

NOS ENGAGEMENTS
Multiculturalisme & Laïcité.
MULTICULTURALISME
La liberté de l'un s'arrête là où celle de l'autre commence.
Nous sommes aujourd’hui de plus en plus amenés à découvrir d’autres cultures, identités, croyances, face à des interactions qui s’étendent rapidement au-delà de ses propres frontières. Les échanges humains, culturels et économiques entre les nations ne cessent de se développer. Certains pays, essentiellement occidentaux, ont depuis plusieurs décennies accueilli des immigrants venus de divers continents. Ces vagues d’immigration ont forgé des sociétés multiculturelles et une immigration plus ou moins intégrée Le mélange des cultures s’accélère. Nos sociétés deviennent progressivement des organisations multiculturelles que facilite la circulation des biens et des flux migratoires. De même les identités culturelles régionales et les groupes religieux s’expriment de manière plus libre. A l’opposé, on assiste à une domination de la culture américaine qui tend à favoriser une certaine homogénéisation des croyances et des valeurs. Autant d’évolutions parfois contradictoires qu’il s’agit aujourd’hui de prendre en compte, de comprendre et de gérer. On habite tous sur la même planète, mais on ne vit pas dans le même monde, ce qui fait notre richesse mais aussi engendre des difficultés pour vivre ensemble. Si au siècle dernier nous avons géré et organisé ces flux migratoires avec en règle générale une bonne intégration après deux ou trois générations, aujourd’hui la machine se détraque.
Le 16 octobre 2010, la chancelière allemande Angela Merkel avait déclaré que « Multikulti ist gescheitert » (le multiculturalisme a échoué), admettant la difficulté de faire coexister plusieurs cultures différentes au sein d’une même nation (1). En raison de sa présence systématique dans les débats politiques et médiatiques, le multiculturalisme est devenu un thème majeur du XXIème siècle. Les sociétés occidentales ont vu les discours se polariser entre ceux qui voient le multiculturalisme comme une opportunité de paix et de partage et ceux qui s’effraient de la menace qu’il représente pour leur propre identité. Ce thème semble désormais incarner le clivage du monde politique occidental, séparé entre les progressistes et les conservateurs. En effet, l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche en novembre 2016 a secoué tous ceux qui croyaient en des valeurs d’ouverture politique, économique et diplomatique. En France, le Rassemblement National a réuni près de 11 millions de voix au second tour de l’élection présidentielle de 2017 et de nombreux pays européens ont fait le choix du repli sur soi. Le Canada, pays historiquement progressiste et politiquement en phase avec le multiculturalisme a vu des personnalités très conservatrices être élues aux élections provinciales de 2018 à l’image de François Legault au Québec à la tête du parti Coalition avenir Québec. Le multiculturalisme se trouve fortement critiqué par de nombreux penseurs et idéologues comme le Québécois Mathieu Bock-Côté qui l’a défini comme une « religion politique », en tant qu’elle « fonde le politique et la religion dans une même entreprise de régénération de l’homme par la transformation radicale de l’ordre social et propose une politique qui transpose sur terre l’idée d’une rupture fondamentale dans l’histoire humaine, entre le monde de la chute et celui de la rédemption »
La France est une société multiculturelle qui a par conséquent la nécessité de définir les meilleures règles pour faire coexister harmonieusement des personnes de traditions et de convictions diverses. Laïcité républicaine ou multiculturalisme ? Telle est l'alternative. Rappelons que le mot culture a deux sens distincts, souvent contradictoires. Le premier recouvre l'ensemble des usages et coutumes d'un groupe humain. Le second désigne le processus de dépassement historique de cet ensemble. Il convient aussi de rappeler es quatre principes essentiels de la laïcité : la séparation de l’État et des religions, la neutralité religieuse de l’État, l’égalité de tous les citoyens et toutes les citoyennes, la liberté de conscience et de religion. la neutralité de tenue est exigible pour les personnes qui enseignent et pour celles qui jouent un rôle officiel dans la puissance publique. La laïcité permet de s’unir librement sur des droits humains émancipateurs au lieu d'être soumis à des traditions rétrogrades. Elle fonde ainsi une communauté humaine universelle qui intègre toutes les pratiques culturelles compatibles avec ces droits, et ne rejette que celles qui ne le sont pas. Un exemple simple : le droit à l’intégrité physique de la personne exclut toute mutilation physique et par conséquent toute pratique coutumière qui l’impose, comme l'excision du clitoris. L'idéologie multiculturaliste est une certaine façon d'interpréter la réalité multiculturelle. Elle veut adapter la législation à cette diversité en accordant aux particularismes coutumiers ou religieux un mode d'affirmation sans retenue ni exigence. La bonne intention, ressassée, est de promouvoir la liberté.
Mais la chose n'est pas si simple. En société, nulle liberté ne peut être affirmée de façon absolue, sans égard au contexte, qui est celui d'une coexistence de libertés. Quand ma liberté n'engage pas que moi-même, il est normal qu'elle prenne en compte celle d'autrui. D'où la pénalisation du tapage nocturne, des infractions au Code de la route, et des propos racistes. Rappelons une définition forte: "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui" (Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, article 4). Quand une liberté nuit à la liberté d'autrui, il y a problème. C'est ce problème, entre autres, qu'entend régler la laïcité, à rebours du multiculturalisme. Elle n'a rien de liberticide car elle entend conjuguer deux libertés. En effet, la liberté de l'un s'arrête là où celle de l'autre commence.
Celle de la personne qui manifeste sa religion, et celle des personnes que cette manifestation assujettit ou agresse. Un exemple concernant l'encadrement scolaire des élèves. En tant qu'enseignant, un humaniste athée peut-il manifester ostensiblement sa conviction spirituelle dans l'exercice de sa fonction ? Imaginons qu'il arbore un tee-shirt portant l'inscription "Humaniste sans dieu". Ne choquera-t-il pas ses élèves croyants ? Oui, et l'inverse est vrai. Une femme portant un voile ou une croix bien visible, un homme portant une kippa, choqueront des élèves athées. Qu'on exprime sa conviction spirituelle par des mots ou par des symboles ne change rien. La neutralité de la tenue garantit l'égal respect de toutes les consciences. Tel est l'universalisme, dans lequel Kant et Montesquieu ont vu le fondement de la morale et du civisme. Certes, la déontologie laïque exige un effort de discrétion. Mais on se trompe en considérant une telle retenue comme une brimade exercée sur la liberté. On pourrait plutôt voir en elle une vertu civique. Celle d'une personne capable de voir au-delà de son particularisme, pour s'élever à l'universel. En France, dans les Écoles Supérieures du Professorat et de l'Éducation (ESPE) il m'arrive souvent d'expliquer l'idéal laïque en rappelant qu'il élève les enseignants à un rôle précieux, celui de fonctionnaires de l'universel. En une époque secouée par le fanatisme de la différence, il faut bien des lieux où se cultive l'unité indivisible de l'humanité. Cela n'implique nullement de raturer ses particularismes, mais de les assigner à la seule sphère privée, qu'elle soit collective ou individuelle.
En revanche, ce qui est regrettable est le fait que les autorités et de hauts responsables de l’État se prêtent à l’amalgame et à la stigmatisation des musulmans, allant jusqu’à inscrire le fondamentalisme religieux parmi les signes de radicalisation. La fracture la plus nette au sein de la population française est culturelle et non pas juridique : elle s'observe en ce qui concerne la place de la religion dans la société. Majoritairement acquis aux lois de laïcité, les Français de confession musulmane sont bien plus favorables que les autres à la visibilité du religieux dans l'espace public : 75 % approuvent le port de signes religieux pour parents accompagnateurs d’une sortie scolaire (26 % chez l'ensemble des Français), 69 % s'agissant des salariés du secteur privé (dont 78 % des musulmans de moins de 25 ans, contre 24 % de la population globale), et 63 % (contre 21 %) pour les agents du service public, ce qui reviendrait à revenir sur le devoir de neutralité religieuse des fonctionnaires. Particulièrement favorables à une forme de discrétion, les Français ne sont que 22 % à accepter le port de signes religieux ostensibles chez les usagers des services publics, une pratique pourtant tout à fait légale, et se prononcent même à 72 % pour l'interdiction de toute prière de rue ! Autre signe que, pour une majorité de musulmans, la laïcité peut clairement s'envisager “à la carte” : 81% se déclarent favorables à une loi autorisant les femmes à avoir droit à des horaires réservés aux femmes dans les piscines municipales, et 81 % à une loi autorisant le burqini dans les piscines publiques, deux propositions rejetées par plus de trois quarts des sondés.L'Ifop a enfin soumis une série de questions ayant trait à la lutte contre l'islamisme à son échantillon principal, interrogé après la mort de Samuel Paty .
Le modèle canadien.
La définition de la Nation varie selon les régions du monde du fait d’histoires et de cultures diverses. La conception canadienne est en ce sens bien différente de celle de la France. Si l’une bannit l’idée même de différence culturelle, l’autre se base sur la congrégation des différentes cultures présentes en son sein pour définir son identité. En revanche, bien que l’histoire de l’immigration au Canada soit pleinement associée à l’histoire du Canada, la prise en compte de la diversité culturelle ne fut effective qu’à partir de la deuxième moitié du XXème siècle. Si les premiers immigrés arrivés au Canada depuis l’obtention de son statut de Dominion furent des Britanniques (loyalistes), des Irlandais et des Écossais à partir de 1867, la première politique d’immigration date de 1869. Le but était alors d’attirer massivement des Européens pour la construction du pays. Celle-ci échoua du fait de la famine, du froid et des conditions économiques qui étaient nettement plus favorables en Europe. La période dite de l’âge d’or se situe entre 1896 et 1914, pendant laquelle la population canadienne a augmenté de 30%. Cette période fut également le début de l’institutionnalisation du racisme antichinois. En effet, les immigrés chinois firent face à de nombreuses contraintes et restrictions juridiques et économiques ce qui contribua fortement à leur marginalisation. Paradoxe de la politique d’ouverture canadienne, l’immigration chinoise était dans un premier temps taxée avant de devenir interdite entre 1931 et 1945. L’après-guerre fut l’occasion pour le pays de favoriser une immigration selon une logique utilitariste. En effet, convaincu par le libéralisme économique, le Canada a orienté sa politique migratoire pour la coordonner avec les besoins de son marché du travail. Cette logique se désintéresse donc du phénomène culturel dans la conception de la Nation et réfléchit en termes de facteurs économiques. Le point d’orgue fut atteint avec la mise en place du système à points en 1967 : pour obtenir un permis de séjour (autre que touristique) au Canada, il faut remplir un certain nombre de critères liés à la formation, le type d’emploi effectué, l’âge… Ainsi, au milieu du XXème siècle, on assiste à l’institutionnalisation de l’élimination de toutes références sur l’origine ethnique ou géographique pour vivre sur le territoire canadien.
Or, parallèlement, le Canada est un pays que l’on peut objectivement considérer comme multiculturel. Son histoire témoigne de la rencontre d’une immigration anglo-saxonne, mais également française, d’Europe de l’Est et du Sud et asiatique. Pierre-Elliott Trudeau, Premier Ministre canadien de 1980 à 1984, a entamé un long processus de prise en compte politique de cette diversité au sein de la société canadienne. La première étape correspond à la promotion et à la célébration de la diversité culturelle. C’est ainsi que des programmes linguistiques ou des échanges interculturels sont organisés. Ce fut également le temps de l’importance grandissante de la diversité dans le domaine artistique. La deuxième étape est celle de l’institutionnalisation. Le gouvernement Trudeau met en place la Charte des droits et des libertés en 1982, qu’il intègre à la Constitution. Selon elle : « toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens. » (6). Elle fut par la suite suivie par la loi sur l’équité de l’emploi en 1986 puis par la loi sur le multiculturalisme adoptée par la Chambre des communes en 1988, achevant le multiculturalisme comme modèle d’intégration et d’unité nationale. Celle-ci reconnaît officiellement l’existence des Premières nations, des Inuits et des Métis. Ainsi, en opposition à la conception française de la nation, la citoyenneté canadienne est plurielle et procédurale. C’est donc pourquoi Justin Trudeau, le Premier Ministre actuel a pu parler de « mosaïque canadienne ».
LAICITE
Ceux qui bénéficient de la laïcité ne la défendent pas.
Quant à la liberté de chaque personne, la laïcité la rend possible dans trois registres fondamentaux. Ceux du libre choix de sa conviction spirituelle, de son mode d'accomplissement, et finalement de son être. Voici trois boussoles commodes de la laïcité. La laïcité est un universalisme et non pas un différentialisme. La laïcité est un principe d'émancipation et non pas de soumission. La laïcité se soucie de l'intérêt général sans compromettre l'intérêt particulier. Triste est de constater que les menaces fusent de toutes parts. Politiques, populistes, religieux, universitaires. Il y a bien évidemment la menace que constituent les mouvances fondamentalistes qui sont apparues dans le sillage de toutes les grandes traditions monothéistes du monde, mais il ne faut pas négliger les ravages de la vision woke (« éveillée ») qui a engendré les thèses postmodernes ou « postcoloniales » que l'on voit fleurir partout, notamment à l'université. De manière générale, ceux qui bénéficient de la laïcité dans leur vie quotidienne ne la défendent pas et ce, contrairement à ceux qui aimeraient bien bénéficier de la protection qu'elle peut offrir. Bien souvent, ce sont des féministes d'Afrique du Nord ou d'Asie du Sud qui sont en première ligne dans ce combat. A titre d'exemple, une militante pour les droits des femmes, fille d'un imam au Niger, engagée contre la fatwa parlait des islamistes de son pays en ces termes : « Ces types font peur aux gens. Ils ont des ambitions politiques. La laïcité, c'est une manière de leur barrer la route. » Cela est tout aussi clair pour les féministes polonaises dans le contexte que l'on connaît.
Si l’on prend un peu de recul avec le débat franco-français sur la signification philosophique de la laïcité, ces données doivent être interprétées dans une perspective géopolitique, celle des attaques contre la démocratie. Celles-ci ne sont pas le seul fait des musulmans extrémistes, puisqu’elles émanent aussi des autocrates de Russie, Turquie, Iran, Inde ou Chine, sans compter les chefs des démocraties « illibérales » de l’Europe de l’Est. Mais l’islamisme y tient une large place. La résistance des « républicains » à remettre en en cause les formes de la laïcité « à la française » revêt parfois des accents désuets. Mais cette résistance est vitale, car elle s’oppose à une tentative totalitaire qui se donne pour objectif de détruire la démocratie. Ecoutons nos amis algériens. L’expérience des années 1930 a montré que ce n’est pas en cédant aux exigences de ses ennemis, en cherchant des compromis, que la démocratie a une chance de se sauver, mais en affirmant ses valeurs et en étant prête à combattre pour les défendre. Trop peu de conséquences sont tirées des travaux de sciences sociales. Le problème n’est pas tant les formes de la laïcité ou le débat entre républicains « raides » et multiculturalistes « ouverts ». La véritable interrogation porte sur la force de la résistance à l’égard de la poussée extrémiste de ceux qui veulent détruire la démocratie et qui, en manipulant le libéralisme et le légitime souci d’ouverture de nos élites politiques et intellectuelles, s’attaquent, au travers de la laïcité, aux fondements mêmes de l’ordre démocratique. Il faut défendre la laïcité française parce qu’il faut défendre la démocratie.
Un défi politique.
L’argumentaire des partisans de la laïcité « ouverte » pourrait être accepté s’il s’agissait d’un problème purement religieux, relevant de la morale du « père de famille de bonne foi », évoqué dans la célèbre Lettre aux instituteurs de Jules Ferry. Mais le débat idéologique actuel sur la réinterprétation de la laïcité traditionnelle n’est pas un problème de tact, de tolérance et de respect de la liberté de conscience. La remise en cause de la laïcité « républicaine » fait partie d’un mouvement politique et organisé et c’est en termes politiques qu’il faut le traiter. C’est ce que nos amis anglophones appellent a political issue. L’islam en tant que religion ne pose pas de problème que la loi de 1905 ne puisse résoudre. Ce n’est évidemment pas le cas de l’islamisme, c’est-à-dire du projet politique planétaire d’un islam conquérant. Cette observation est déterminante, car le principe de laïcité est lié à la conception française de la laïcité, inséparable de la démocratie française. Observation d’autant plus déterminante que ce qu’on peut appeler les extrémistes musulmans ou l’islamisme ou l’islam politique car faut-il encore une fois rappeler qu’il ne s’agit pas de l’islam en tant que tel ? Ces derniers formulent eux-mêmes leur condamnation de la démocratie et leur volonté de la détruire.
Ce n’est pas une obsession de « laïcards » attardés, continuant à mener un combat déjà gagné contre les traces de l’influence de l’Eglise catholique dans la société française, alors que volens nolens l’Eglise française est devenue laïque. Nos amis algériens de tradition musulmane, les Boualem Sansal, les Kamel Daoud, racontent les étapes de l’islamisation extrême menées dans leur pays. En France, les documents existent depuis le début de ce siècle : Les Territoires perdus de la République ont été publiés en 2002, le rapport de l’inspecteur général Jean-Pierre Obin a été remis en 2004, puis soigneusement rangé dans un tiroir par le ministre de l’Education nationale, François Fillon, pour « ne pas faire de vagues ». En 1987, Gilles Kepel avait d’ailleurs déjà publié Les Banlieues de l’islam. Ils ont été suivis de travaux de sociologues et d’islamologues sous une forme plus élaborée scientifiquement. Personne n’a contesté leurs observations, même si l’on peut discuter leur signification. Les chercheurs des sciences sociales devraient se retrouver autour de quelques constats. La majorité de la population musulmane s’intègre dans la société française et partage pour l’essentiel les valeurs démocratiques. Mais on ne peut nier qu’une minorité d’entre eux, dont nombre de convertis, sont enrôlés dans un projet d’islamisation politique directement contraire aux valeurs de la démocratie. Personne ne devrait non plus nier que, parmi les jeunes générations, une forte minorité rejette les valeurs démocratiques et que, parmi eux, ceux qui se réclament de l’islam sont les plus nombreux. Alors que le devenir de l’Observatoire de la laïcité fait l’objet d’une âpre bataille politique, Marlène Schiappa mise sur la synergie des acteurs français pour faire avancer le débat. La ministre déléguée à la citoyenneté a ainsi annoncé, dans une interview accordée au Journal du dimanche du 18 avril, la tenue d’« Etats généraux de la laïcité », donnant lieu à une « grande consultation » auprès des jeunes sur ce sujet pour le moins clivant et ce, à compter du 20 avril 2021. « Cette annonce est très étonnante, de surcroît à l’occasion d’un tel texte », réagit le sénateur du groupe socialiste, Didier Marie, porteur d’un amendement visant à l’inverse à étendre les compétences de l’Observatoire, à étoffer sa composition. Et aussi à garantir son indépendance. Car c’est bien sur ce point que les projets du gouvernement devraient nourrir les controverses. La gauche soupçonne déjà la majorité de vouloir bâillonner une instance qui a pu rendre des avis qui n’allaient pas dans le sens des objectifs des pouvoirs publics. L’Observatoire avait par exemple estimé qu’il n’était pas possible d’imposer un devoir de neutralité à des jeunes participants au service national universel (SNU). Il a surtout constamment mis en garde contre des évolutions de la laïcité qui viseraient à imposer une neutralité de l’espace public.
L’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire de collège à Conflans-Sainte-Honorine témoigne d’une volonté de l’islamisme radical de combattre l’école de la République et ses valeurs. Outil d’émancipation et d’intégration, la laïcité est la cible première de cette attaque. Si la laïcité s’est imposée à partir de la loi du 9 décembre 1905 relative à la Séparation des Églises et de l’État, elle est l’aboutissement d’une démarche de liberté initiée par l’esprit des Lumières. Cette loi a établi l’étendue et les limites de la laïcité. Nous en constatons aujourd’hui toute la modernité et la pertinence tant les attaques dont elle est la cible sont violentes. Cette loi formule deux principes fondateurs indissociables :
Art 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes dans les limites de l’intérêt de l’ordre public.
Art 2 : La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte.
A chacune et chacun sa liberté de conscience, à l’État de veiller à la neutralité de la loi commune, et à l’égalité des droits entre croyants et non-croyants. C’est une loi de liberté et une loi de rassemblement, celle des citoyennes et des citoyens attachés au libre exercice de la pensée et de son expression. La mission de transmission des valeurs de la République française est la première des compétences communes que doivent maîtriser pour l’exercice de leur métier tous les professeurs, professeurs documentalistes et conseillers principaux d’éducation, acteurs du service public d’éducation. Concrètement, il s’agit d’expliciter le long chemin qui a conduit à notre République démocratique et laïque mais aussi de former les élèves au décryptage du réel et à la construction, progressive, d’un esprit éclairé, autonome, et critique.
Grâce à Jules Ferry, la loi du 28 mars 1882 institue une école gratuite, obligatoire et laïque pour tous. On doit à l’école laïque d’avoir fondé une morale, reposant sur les droits de l’homme, la liberté de conscience et les principes de liberté et d’égalité. Si la laïcité trouve sa source dans l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, c’est la loi du 9 décembre 1905, dite loi de Séparation des Églises et de l’État, qui transformera en « principe » cette idée. Elle a été une loi d’apaisement car elle a permis la paix religieuse. Ferdinand Buisson président de la mission parlementaire avait insisté sur le fait « qu’il s’agissait de faire de l’œuvre de laïcité de l’État non un acte de combat ou un instrument de vengeance, mais au contraire un acte de pacification sociale ». Aujourd’hui, la nation française est constitutionnellement et institutionnellement installée dans le principe de laïcité, qui consiste en un espace public neutre et une liberté de conscience universelle. A l’école, aux termes du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. La laïcité est un principe de l’école car elle instaure l’égalité de tous au regard de la loi commune permettant de croire ou pas, d’exercer librement un culte ou non, et d’exprimer son attachement aux principes de la République.
Vivre dans une République laïque est précieux et nous conforte, en toutes circonstances, dans l’espoir d’une humanité meilleure. La laïcité s’appuie sur la raison et libère l’élève, futur citoyen ou future citoyenne, de toute sujétion, y compris par rapport à sa communauté d’origine. La laïcité qui s’exprime par l’universalité de la loi commune rassemble la communauté des citoyens. C’est pourquoi elle est un des piliers de la République et doit être transmise et partagée à l’école car elle permet la cohabitation harmonieuse entre tous.
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